En marge de sa visite de l’usine Oxxo en tant que ministre du redressement productif le lundi 30 septembre 2013, Arnaud Montebourg a tenu une réunion publique aux Griottons sur le projet Cluny IV.
Le lundi 30 septembre 2013, après avoir visité l’usine Oxxo de Cluny récemment reprise par le groupe algérien Cévital, c’est en tant « qu’amoureux de la Saône-et-Loire » qu’Arnaud Montebourg avait convié la population de Cluny a une réunion publique sur le projet de centre d’art contemporain Cluny IV, qu’il avait défendu en tant que président du Conseil général de Saône-et-Loire.
Entouré de Xavier Douroux, directeur du centre d’art contemporain Le Consortium de Dijon et seconde cheville ouvrière du projet, du maire de Cluny Jean-Luc Delpeuch, et de l’actuel président du Conseil général Rémi Chaintron, Arnaud Montebourg s’est exprimé pendant plus d’une heure face à une centaine de Clunisois venus en savoir plus sur ce projet de centre d’art contemporain à Cluny.
Pourquoi Cluny IV ?
Rappelant que « Cluny IV » prend racine dans la stratégie d’attractivité du territoire mené par les élus du Conseil général au même titre que les Francos Gourmandes de Tournus ou le projet de Center Parc à l’étang du Rousset, le ministre est revenu sur la genèse du projet, qui s’appuie sur des réussites similaires en France et à l’étranger. L’exemple du Centre Pompidou Metz a ainsi été abondamment détaillé, qui a réussi à créer « un tourisme artistique participant à la renaissance de la Lorraine », selon les mots de M. Montebourg.
Outre leurs bienfaits économiques pour les territoires où elles s’installent, les délocalisations de grands musées internationaux comme la Tate Modern de Londres (à Liverpool) ou le musée Guggenheim de New-York (à Bilbao) permettent de donner accès à l’art « à des publics qui n’y ont pas accès », faisant ainsi oeuvre d’éducation populaire, selon les initiateurs du projet.
A la question de savoir pourquoi Cluny avait été choisi pour ce projet, Arnaud Montebourg a mis en avant l’importante fréquentation payante des monuments de Cluny, sa renommée internationale liée à « la gloire passée et non perdue »de la cité, et sa situation géographique stratégique, à 15 mn de l’autoroute A6 (qui voit passer à Mâcon environ 30 millions de véhicules par an) et de la gare TGV de Loché.
L’un des objectifs du projet Cluny IV serait ainsi de « rallonger le temps de fréquentation » des visiteurs dans la région, Cluny (et la Saône-et-Loire d’une manière générale) étant connus comme étant des terres de passage, et non de séjour. Une stratégie qui a séduit notamment le Centre des monuments nationaux (s’exprimant lors de cette réunion publique par la voix de François-Xavier Verger, administrateur de l’abbaye), mais qui interroge sur la capacité des hôteliers et restaurateurs locaux à absorber cette potentielle manne économique supplémentaire.
Et concrètement ?
Esquissée dès le lancement du projet, la forme du futur centre d’art contemporain Cluny IV serait confiée au duo d’architectes Herzog et De Meuron qui ont imaginé un bâtiment de taille « modeste », selon Arnaud Montebourg, comportant « 4 ou 5 pavillons » pour environ 3000 m2 de surface d’exposition et un espace de restauration « concédé à un privé ». Il serait situé hors du périmètre sauvegardé, au lieu dit « En Pain chaud », sur un terrain communal destiné au développement d’Equivallée et situé à proximité des tennis (qui seraient par conséquent amenés à déménager ailleurs si le projet se faisait, a indiqué M. Montebourg).
Ainsi installé légèrement en surplomb de la ville face au bourg médiéval, Cluny IV devra, par son implantation et son architecture, « faire le lien entre patrimoine et art d’aujourd’hui […] dans un dialogue de part et d’autre de la Grosne », a justifié le ministre.
Cluny IV serait basé sur un principe de fonctionnement tout à fait inédit dans le monde de l’art, inspiré de la Coupe de l’America. Contrairement aux musées traditionnels où une institution unique présente des expositions permanentes ou temporaires, plusieurs institutions muséales internationales se retrouveraient temporairement à Cluny pour « s’affronter » chaque année sur un sujet pré-défini. Tous les ans, ce serait donc cinq expositions, comme autant de regards sur un thème ou un artiste (Xavier Douroux a donné l’exemple du monde animal ou de Matisse) qui prendraient place dans les pavillons de Cluny IV. L’institution vainqueur de la « meilleure » exposition gagnerait alors le droit de choisir le thème de l’année suivante.
Assumant son rôle de VRP du projet sur son « temps de loisir », Arnaud Montebourg a assuré avoir déjà recueilli l’accord de principe du Centre Pompidou à Paris pour faire partie des cinq institutions fondatrices de Cluny IV, ainsi que du Musée national Reina Sofía à Madrid, du Moma de New-York et d’institutions muséales du monde arabe.
Un financement entièrement privé
Aucun argent public, pas même du ministère de la culture, ne sera mobilisé dans le projet Cluny IV a assuré Arnaud Montebourg, qui répétait, dès sa présentation au Conseil général en février 2012, que s’il n’y avait pas de mécènes, Cluny IV ne se ferait pas. Le ministre est en effet convaincu que le projet peut s’autofinancer, à la fois pour son investissement initial (par du mécénat) que pour son fonctionnement (par ses recettes de billetterie).
Un recueil de financements privés a ainsi débuté cet été, sous l’égide de la fondation de France, garante de la collecte, de la distribution et de la traçabilité des fonds recueillis, estimés par Arnaud Montebourg à « une petite dizaine de millions d’euros ».
Une fondation privée serait ensuite créée pour assumer l’exploitation du centre d’art contemporain de Cluny, avec comme contrainte de signer des contrats d’au minimum cinq ans avec les institutions muséales exposantes, gage de pérennité de la structure.
Quant à la temporalité du projet, M. Montebourg n’a pas souhaité avancer de date de réalisation, soulignant que les études préalables à la construction ne débuteraient pas tant que le projet ne serait pas viable, soit pas avant que les trois-quarts du financement ne soient assurés. Et si finalement le projet ne peut pas être financé « on ne fera pas et on rendra l’argent », a-t-il conclu.
Une adhésion de la population à recueillir
« Si vous n’êtes pas d’accord, on ne fera rien » a répété Arnaud Montebourg à l’adresse des Clunisois. Insistant sur le fait que Cluny IV n’est pas un projet « parachuté », mais bien imaginé en Saône-et-Loire, le ministre a appelé les Clunisois à s’approprier ce projet « qui appartient à tout le monde ».
La notion « d’équilibre » a ainsi été développée à de nombreuses reprises par les acteurs du projet. Equilibre entre « ambition et modestie » mais aussi entre « art et société », avec un respect des oeuvres et une dimension humaine du projet à trouver pour Xavier Douroux ; équilibre entre Cluny « qui déclenche les ambitions les plus folles » et « une ville rurale qui n’est pas entièrement dédiée au tourisme » pour Jean-Luc Delpeuch, qui a appelé à une cohabitation intelligente entre « ce qui est très vieux et ce qui est très moderne » ; équilibre entre le « rayonnement mondial »attendu par le projet et son « échelle financière raisonnée […] y compris de la part des architectes qui ont un attachement particulier à Cluny », pour Arnaud Montebourg.
Parmi les interrogations soulevées par les Clunisois ayant pris la parole dans la salle lors de cette réunion publique, c’est surtout le nom du projet qui a été le plus discuté. Trop prétentieux pour certains, pas assez significatif pour d’autres « Cluny IV » ne semblait pas recueillir l’adhésion du public présent. Mais en proposant « Cluny V » (en référence aux cinq pavillons du projet, et non plus à l’église abbatiale Cluny III), le premier magistrat de la ville semble avoir amené une piste de consensus à ce sujet.
Au-delà de l’anecdote, c’est surtout l’importance d’ancrer la création et le fonctionnement de Cluny IV dans le tissu économique, social, artisanal, culturel et touristique local qui a été soulignée par bon nombres d’acteurs, élus, associatifs ou citoyens, témoignant à la fois de l’intérêt et de la circonspection de la population face à un projet dont les contours restent encore à imaginer, mais dont tous s’accordent à dire qu’il sera vecteur d’une attractivité de Cluny sans précédent s’il arrive à son terme.